La mère et la mort / Le départ, Alberto Laiseca et Alberto Chimal (scénario), Nicolas Arispe (dessin). Editions Le Tripode, 56 pages, 23 euros.
Deux courts récits en forme de contes autour d’un même thème: celui du sacrifice d’une mère pour son enfant. Dans La Mère et la mort, de l’Argentin Alberto Laiseca (inspiré d’un conte d’Andersen), la mort vient s’emparer de l’enfant d’une mère vivant seule au bord du Rhin. Celle-ci n’hésite pas à partir rechercher son enfant, quitte à y laisser ses yeux dans le fleuve, ses jambes dans la forêt, un bras dans la montagne. Mais tout cela pour une issue tragique. Même esprit de sacrifice et d’amour absolu dans Le Départ, du Mexicain Alberto Chimal. Cette fois, c’est un tremblement de terre qui tue un enfant. Sa mère supplie les dieux de le faire revenir. Et ceux-ci, compatissants s’exécutent. Mais si l’âme revit, c’était dans le corps mort et promis à d’insoutenables douleurs. Là encore, la fin sera dramatique.
Au-delà des récits, c’est l’illustration magistrale qu’en fait Nicolas Arispe qui fait tout l’intérêt de ce double petit album imbriqué. On avait, pour notre part, découvert cet auteur argentin avec son adaptation très personnelle et magistrale de la Bible dans Le Livre, l’an passé, déjà joliment édité par les éditions du Tripode. Il éblouit encore ici par ses dessins proches de la gravure, baroques et macabres. Et les vignettes successives convergent vers une grand image-miroir centrale, pont entre les deux histoires. Et ces images, en plus d’être belles, sont d’une grande profondeur pour qui saura ou s’amusera à les décrypter.
Le Départ, avec ses personnages aux têtes de squelettes fait songer aux personnages de carnaval mexicains, les personnages animaliers de La Mère ramenant plus vers la mythologie nordique. Mais ces symboles, assez évidents, s’accompagnent de bien d’autres inspirations et références, comme une très intéressante petite plaquette réalisée par l’éditeur vient le préciser.
Ainsi, la mort est vêtue telle un soldat de 14-18 d’Otto Dix, les gargouilles qui tiennent prisonnières la mère lors de l’enlèvement de son fils renvoient aux gargouilles moyen-âgeuses, le monstre en pierre de la montagne est un hommage clin d’oeil à William Blake, la maison de la mort est inspiré par les gravures de Brueghel, etc.
Un bel ouvrage fascinant, qui incite à s’y plonger et à s’y replonger. Quitte à se perdre dans les globes vides des deux personnages sur la – ou plutôt – les couvertures.
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