Après le déclin des magazines de pré-publication (hormis Spirou qui résiste encore), des revues tentent aujourd’hui de faire vivre la bande dessinée en dehors des albums. Parfois de mauvaise humeur, toujours percutante, Nicole, réalisée par les éditions Cornélius, propose un neuvième numéro mettant à l’honneur… Nicole (Claveloux), mais aussi bien d’autres récits très réjouissants.
304 pages de lecture – essentiellement des bandes dessinées inédites ou quelques reprises “introuvables” – pour 14,50 euros, c’est l’addition difficilement égalable de Nicole, la revue des éditions Cornélius. Et “le prix à payer aujourd’hui“, pour l’éditeur afin de faire découvrir “les jeunes auteurs délicats ou les vieux auteurs difficiles“, comme il est précisé dans le communiqué de presse qui annonce la sortie et donne le ton.
Le menu, lui, ne change pas, avec, pour ce qui est des textes un long retour détaillé sur les événements de l’année 2019 en bande dessinée, quelques courtes nouvelles en lien avec le monde de l’édition et de la BD… et qui en racontent les travers sans prendre de gants, toutes signées JL Capron (pseudo derrière lequel on trouverait Jean-Louis Gauthey, éditeur de Cornélius) et une interview d’actualité de Jérôme Dubois (autour de la parution en septembre de Citéville / Citéruine), accompagnée d’un récit court “Jobland”, évocateur de l’univers d’un auteur dont on devrait parler cet automne.
Côté planches, plus d’une quinzaine de bandes dessinées des jeunes auteurs maison, assortis de quelques planches de Willem des années 1970, plus, pour ce numéro, un dossier spécial Nicole Claveloux (qui réalise aussi la couverture) d’une cinquantaine de pages, sous forme de portfolio d’oeuvres exposées au dernier festival d’Angoulême. Une riche sélection évoquant à la fois son travail de dessinatrice de BD adulte (La main verte) ou jeunesse (Grabotte), mais aussi son oeuvre d’illustratrice, voire de peintre avec des dessins quasi-surréalistes pour Métal Hurlant, entre autres.
Parmi les autres auteurs et autrices présents (tous présentés dans une courte bio en fin de revue), on retrouve quelques habitués des Editions Cornélius, comme Anouk Ricard (et son prof schyzo), Delphine Panique (qui nous parle, avec une certaine abstraction des “mognoles”) ou Olivier Texier. D’autres signataires viennent de divers lieux de la galaxie indépendante, et proposent des récits marquants, comme Juliette Mancini (édité par Atrabile) qui dévoile avec une belle sobriété graphique et une vraie force l’aliénation féminine.

Estocafish (Damien Filliatre, co-éditeur de Misma) et son récit très cartoon et plein de zombies “Fufurious) tout comme Yoon-Sun Park (édité aussi chez Misma) et son “voyage d’affaire chez les fous apportent une note d’humour délirant. Tandis que François Ayroles amène sa petite musique fait d’humour plus absurde avec quelques “notes perchées”.
La singularité, on la retrouve aussi dans l’explosion graphique, en noir et blanc et sans paroles, du récit de la “Genèse” par LL de Mars, ou dans un autre genre, avec la petite comédie humaine enlevée et marquante “Bricopartout” d’Arthur Poitevin. Ou encore dans le récit grinçant du duo Dominique Goblet et Kai Pfeiffer sur le carnaval d’Alost.
Une diversité de styles et d’auteurs, mais une sélection de très bonne tenue, qui permet de découvrir une petite palette de talents de la bande dessinée indépendante d’aujourd’hui.
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