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Beauvais. Thierry Deblangy pour le meurtre de sa compagne en juin 17

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24 septembre

Thierry Deblangy plaide le jeu sexuel

Accusé du meurtre de sa femme par strangulation, l’ex-avocat est revenu sur ses aveux.

LES FAITS
LE 18 JUIN 2017, Aurélie, 32 ans, est retrouvée morte étranglée dans son studio de la rue Gambetta, à Beauvais.
SON MARI, THIERRY DEBLANGY, de 19 ans son aîné, s’accuse du meurtre, commis sur fond d’alcoolisme et de violences. Tous deux avaient plus de deux grammes d’alcool dans le sang.
M. DEBLANGY EST JUGÉ depuis ce jeudi matin par les jurés de l’Oise.
LE VERDICT est attendu lundi.

C’est la surprise du chef. Au premier jour du procès de Thierry Deblangy pour meurtre, on a appris que, dans un courrier du 14 octobre 2018 adressé au juge d’instruction, l’ancien avocat, âgé de 54 ans, est revenu sur ses aveux initiaux. Plus question d’admettre avoir tué Aurélie, las de ses accès de violence, verbale et même physique, quand elle n’incitait pas son berger malinois à le mordre. Cette fois, il l’affirme : s’il a serré le cou de sa femme avec un fil de chargeur téléphonique, c’est dans le cadre d’un jeu sexuel destiné à décupler son plaisir à elle. Problème : cette séance sado-maso qui tourne mal, il n’en a jamais parlé en seize mois, ni aux policiers ni à son juge, ni aux trois psychiatres et à la psychologue qui l’ont examiné, ni à l’enquêteur de personnalité. Ça en fait, du monde, à qui il a au contraire servi une version plus que cohérente du gigantesque ras-le-bol qui, ce dimanche de fête des pères, lui a fait envisager le suicide avant de commettre un homicide. On y reviendra ce vendredi, car dans un premier temps, c’est la personnalité de l’accusé qu’a disséquée la cour. L’histoire de Thierry Deblangy est celle d’une descente aux enfers. Cet Amiénois de bonne famille suit des études de droit, devient cadre à l’URSSAF. Il se marie en 1987, a une fille en 1996. Il trompe sa femme. Le soir où elle accouche, il passe sa nuit avec sa maîtresse. Inutile d’ajouter qu’elle n’a pas vraiment livré un témoignage favorable à l’audience…

« UN LIEN CHAOTIQUE »
En 2008, il devient avocat à Beauvais. À la même époque, il rencontre la jeune Aurélie, alors adjointe de sécurité au commissariat de la capitale de l’Oise. Ils se marient en 2011. Mais le ver – le verre ! – est dans le fruit. Deblangy boit de plus en plus. Il est suspendu du barreau, subit une liquidation judiciaire, est expulsé de son logement, touche le RSA. Aurélie est renvoyée de la police, à cause d’un comportement violent qui s’exprime également dans son couple. Ils se séparent pour mieux se retrouver. « C’est un lien particulièrement chaotique dont ils ne peuvent se défaire », analyse un psychiatre.
DESCENTE AUX ENFERS
Sur trois des médecins de l’âme, l’un a décelé une abolition du discernement au moment des faits : « Il agit comme spectateur puis il reprend conscience » . L’avocate générale lui fait remarquer qu’il s’est basé sur un récit que renie l’accusé aujourd’hui. S’il s’y tient, son conseil M e Varin ne pourra que plaider les violences causant la mort sans intention de la donner. Et encore ! Où seraient les violences, au sens pénal du terme, dans le cadre d’un jeu sexuel librement consenti ?
On en reparlera ce vendredi. En attendant, Thierry Deblangy, en jean’s, pull gris, cheveux blancs coupés courts, a décidé d’être acteur de son procès, prenant des notes, parlant à l’oreille de Me Varin, souriant souvent, se perdant en détails quand, hors sujet, il rejoue son divorce. Dans un autre courrier au juge d’instruction, il a prévenu : « Après trois ans de colonie de vacances, je souhaite aussi pouvoir m’amuser devant la cour ». Les parents de la victime apprécieront…
25 septembre

Le réquisitoire du meilleur copain de l’accusé

Accusé du meurtre de sa femme, l’ancien avocat Thierry Deblangy veut s’exonérer de sa responsabilité. Son meilleur ami l’a sérieusement recadré hier.  
« IL VA S’ENTERRER LUI-MÊME »
Seul un ami peut se permettre d’aller si loin : « C’est un lâche. Je suppose qu’il ne veut pas assumer ce qui s’est passé… C’est du grand Thierry dans le texte. Je le redoute, parce qu’il ne vous donnera pas l’image de ce qu’il est, un homme foncièrement bon, érudit, humain… Mais l’avocat qu’il n’est pas et qu’il n’a jamais été va se mettre en tête de faire la leçon à une cour d’assises et s’enterrer lui-même… »
C’est comme si David avait suivi les débats depuis jeudi, surpris les sourires de l’accusé, décrypté ses conciliabules avec son conseil, supporté ses allusions un rien paranoïaques (« Je ne dirai rien parce qu’il y a la presse »). Comme si, surtout, il prédisait la fin de ce deuxième jour de procès.
Il est 17 h 30 et on navigue à vue. Après 16 heures d’audience, on ne sait toujours pas – parce que personne ne lui a posé la question ! – quelle est la position de l’accusé. Admet-il avoir tué sa femme Aurélie, en l’étranglant avec un câble de téléphone, las de ses violences verbales et physiques (comme il l’a avoué et répété pendant quatorze mois) ? Plaide-t-il le jeu sexuel qui a mal tourné (comme il l’a écrit au juge d’instruction en octobre 2018) ? Meurtre ou homicide involontaire, ce n’est pas la même limonade : on ne pose pas les mêmes questions aux témoins et jurés, on ne s’attache pas aux mêmes détails.
« Il est tard, j’interrogerai M. Deblangy sur les faits lundi matin », annonce la présidente Brancourt. C’est comme si le brouillard s’épaississait. Heureusement, un éclair le transperce. Il ne tombe pas du plafond mais émane du parquet. « Pouvons-nous au moins savoir quelle version l’accusé soutiendra ? », demande l’avocate générale Caroline Tharot, procureure de Beauvais. Réponse de Thierry Deblangy : « Je m’en tiendrai à ma lettre au juge d’instruction ».
David avait raison…
28 septembre (1)

Le jour de vérité pour Thierry Deblangy

Le verdict est attendu ce soir. Il dira si l’ancien avocat a volontairement donné la mort à sa femme.  
Contre lui, celui qui fut avocat pendant huit ans à Beauvais (avant de jeter l’éponge, miné par les difficultés financières, elles-mêmes causées par son alcoolisme) a surtout quatorze mois : quatorze mois pendant lesquels il a livré la même version, convaincante, d’un coup de colère irrépressible qui le pousse à commettre un acte fatal, quasiment dans un état second, avant de se reprendre, d’appeler les secours et même de tenter des gestes de réanimation.
« IL FALLAIT QUE ÇA S’ARRÊTE »
Ce récit – « Il fallait que ça s’arrête » – il l’a livré à plusieurs policiers, un enquêteur de personnalité, trois psychiatres, un psychologue, un juge d’instruction. C’est sur cette base qu’un psychiatre a conclu à une altération du discernement. « Je me suis peut-être fait avoir », a lâché le médecin jeudi. On n’est même pas loin de la préméditation quand, la veille du drame, Deblangy, suicidaire, envoie ce texto à un ami : « C’est elle qui me fait la misère. Pourquoi ce serait à moi de mourir ? »
L’accusé a renvoyé pendant deux jours l’image d’un homme dans le déni, un sourire gênant trop souvent aux lèvres (tous ceux qui l’ont connu indiquent qu’il a toujours arboré ce tic et qu’il ne faut pas en tirer la conclusion qu’il se moque du procès ou de la victime). À rebours de tous les témoignages, il ne se considère pas alcoolique (« J’ai arrêté facilement en prison » ). Le fiasco de son passage au barreau ? « Sur les raisons, je ne peux rien dire, mais j’aurais pu reprendre en mai 2017 » . Ses interventions sonnent mal, il s’attache à des détails, surtout à propos de son divorce, vieux de vingt ans, qu’il n’a manifestement pas digéré.
« SEXUELLEMENT, IL M’A DIT QU’ILS FAISAIENT TOUT »
Concrètement, sa thèse de l’asphyxiophilie (lire ci-dessous) va se heurter à deux écueils. D’abord ses déclarations à l’inspectrice qui l’avait interrogé en juin 2018 : « Sexuellement, il m’a dit qu’ils faisaient tout, fellations, sodomie, objets, clubs échangistes. Je lui ai posé la question du sadomasochisme, il m’a répondu Ah non, pas ça ». Ensuite, il y a l’analyse du médecin légiste : « En cas d’asphyxie, le sujet perd connaissance au bout de 10 voire 15 secondes, mais il faut serrer au moins trois minutes pour causer la mort. Il aurait donc, pendant plus de deux minutes, pratiqué un acte sexuel avec une personne inconsciente ? »
S’il persiste sur cette voie, Thierry Deblangy risque de se priver – et priver son conseil M e Varin – d’une cohérente ligne de défense. De l’avis général, il était, en 2017, un homme humilié verbalement et violenté physiquement par sa compagne. Une compagne renvoyée de la police pour avoir menacé de mort, la main sur la crosse de son arme, sa supérieure hiérarchique. « Tout Beauvais le savait , se souvient un patron de bistrot. C’était elle ou lui. À vrai dire, on aurait plutôt cru que ce serait l’inverse… »

L’asphyxiophilie, jeu sexuel déjà évoqué lors de l’héritage du château de Chantilly

De l’érection mécanique des pendus vient la croyance que l’asphyxie peut être à l’origine d’une jouissance sexuelle. Ce jeu du foulard peut être pratiqué en solitaire ou un partenaire. Il serait majoritairement apprécié des hommes.
Le hasard veut qu’il ait joué un rôle dans une page importante de l’histoire de la Picardie.
En août 1830, le duc d’Aumale, fils du roi Louis-Philippe, devient l’homme le plus riche de France en héritant du château de Chantilly et de toutes les possessions du dernier duc de Condé, son parrain. Officiellement, ce dernier est mort pendu – mais les pieds touchant le sol ! – à l’espagnolette (la poignée) de la fenêtre de sa chambre du château de Saint-Leu. En fait, la thèse la plus communément admise veut que le prince, âgé, ait eu recours à la strangulation comme stimulant sexuel. Il aurait succombé à une séance plus poussée qu’à l’habitude par sa maîtresse la baronne de Feuchères, une ancienne courtisane britannique.
Mais les légitimistes (la branche des Bourbon) se saisissent du doute pour faire courir un bruit qui accable leurs cousins les Orléans : Louis-Philippe aurait fait assassiner le prince de Condé pour éviter que ce dernier ne modifiât son testament au préjudice du duc d’Aumale et au profit du duc de Bordeaux.
Il reste de cet épisode à mi-chemin entre le fait-divers et la chronique mondaine ce bon mot du Figaro : « Mme de Feuchères est une petite baronne anglaise qui ressemble fort à une espagnolette ».
28 septembre (2)

Vingt-trois ans de réclusion pour Thierry Deblangy

Les jurés de l’Oise ont retenu l’intention homicide et rejeté l’altération   du discernement. L’ancien avocat est reconnu coupable du meurtre de sa femme. 
Puis, en octobre 2018, il a écrit au juge d’instruction pour se contredire : l’homicide devenait causé par un jeu sexuel – celui du foulard – destiné à décupler le plaisir par l’asphyxie. Mme Tharot n’en croit pas un mot : « C’est une théorie purement inventée ». Théorie utilitaire à ses yeux car Deblangy, ancien avocat, ne peut ignorer que l’homicide involontaire ne fait encourir que quinze ans, quand le meurtre sur conjoint est puni de la perpétuité.
UNE RÉFÉRENCE AU PROCÈS BARDON
M e Benoît Varin ne le cache pas, c’est en avocat mais aussi en ami qu’il se lève pour défendre l’ancien confrère, qu’il avait aidé de son mieux en 2015. L’alcoolisme avait déjà fait ses ravages et Deblangy ne pourra éviter l’omission du barreau, la liquidation, l’expulsion de son logement.
M e Varin, faisant fi des réductions de peine (c’est de bonne guerre), assène une date : « 2047 », celle à laquelle, selon les réquisitions, son étrange client quitterait la maison d’arrêt.
« C’est disproportionné, quelle que soit la version qu’on retienne » . Et de citer les trente ans qui avaient frappé, dans un dossier présidé par la même juge, Willy Bardon pour l’enlèvement, la séquestration et le viol d’Élodie Kulik. L’avocat n’a pas le droit de ne pas croire à la deuxième version de son client. Il veut tordre le cou à l’hypothèse « du calcul, de la stratégie. Car alors, il l’aurait dit tout de suite ! Là, il a laissé se dérouler une enquête sur des bases qu’il sape lui-même ! »
Avant les plaidoiries, Thierry Deblangy avait eu l’occasion de s’expliquer sur les faits. En vain… Il refusera de répondre aux questions de M e Babilotte, partie civile, et du ministère public.
Il quittera même la salle quand la présidente lira sa lettre de douze pages au juge d’instruction, pour que la cour entende le récit détaillé de l’acte sexuel (sans pénétration) qui aurait abouti à la mort de la jeune femme : « Elle m’a demandé de serrer plus fort. Je l’ai entendue jouir. Elle est retombée sur mon épaule. J’ai soulevé doucement sa tête. J’ai vu les points bleus ». « Il est le seul à y croire », avait prévenu l’avocate générale.

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