Ellis Island, tome 1: Bienvenue en Amérique, Philippe Charlot (scénario), Miras (dessin). Editions Grand Angle, 64 pages, 14,90 euros.
« Tu y débarques un Italien, un Allemand, un Irlandais, un Juif, un Russe et il en sort un Américain! ». Si la formule a du sens et si sa finalité incarne un rêve, avec Tonio, Guiseppe et Vitto, trio disparate malgré des racines communes et une destinée qui va les regrouper, l’angélisme fait long feu dans ce premier tome d’Ellis Island, un diptyque dont l’histoire raconte l’Histoire. Celle du boom de l’immigration américaine, et ce « sas » d’admission qu’est Ellis Island, voisin de la statue de la Liberté, à l’embouchure de l’Hudson.
De 1892 à 1954, douze millions de personnes venus chercher meilleure fortune aux Etats-Unis y ont débarqué. Le point de départ de quelques “success-stories” et d’une multitude de désillusions.
Du rêve au cauchemar, il n’y avait souvent que des heures d’attente interminables dans une file humaine hétéroclite où, au fil des ans, les plus faibles étaient de plus en plus rapidement éjectés. Handicapés, mal portants, soupçonnés de tout et de rien, les malvenus passés sous le panneau « Welcome » étaient aussitôt placés en quarantaine, voire remontés de gré ou de force dans le bateau en partance pour le voyage retour.
Cette atmosphère, les auteurs, le scénariste mélomane Philippe Charlot, et le dessinateur polonais Miras, la traduisent parfaitement, même s’il faut quelques pages pour s’adapter au graphisme exposé et inattendu à l’aune du traitement d’un sujet historique. Mais l’on s’y fait et certaines bouilles, un tantinet caricaturales, viennent finalement appuyer là où ça pourrait faire mal.
En d’autres termes, la joyeuseté initiale des migrants rêveurs, traduites par ces rougeurs, ces « gros nez » ou ces corps sortis de bandes dessinées légères, s’écrasent sur la dureté des faits. Impossible de passer à travers un tel contraste qui renforce Tonio dans son rôle de héros, Guiseppe dans celui de zozo et Vitto dans son costume de mafioso.
Au fil de l’album, tout s’imbrique et tout s’explique pour ces personnages fiction qui dépeignent une triste réalité au devenir incertain. Le second tome la révèlera. Du moins l’espère-t-on.
A ce titre, attendre la suite, voire l’imaginer, c’est toujours bon signe pour un album. Alors si cet Ellis Island I n’est pas un chef d’œuvre, il n’en demeure pas moins réussi.
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