Donjon Antipodes + 10 000: Rubéus Khan, Joan Sfar et Lewis Trondheim (scénario), Vince (dessin), Walter (couleurs). Editions Delcourt, 48 pages, 11,95 euros.
L’horizon du Donjon s’est encore élargi depuis la relance de la série. Après nous avoir ramené aux origines lointaines de Terra Amata, avec la réjouissante Armée du Crâne, c’est cette fois une projection vers un futur tout aussi éloigné, bien au-delà du “crépuscule”.
Plus de “donjon”, de château ou de chevalier. Mais les Vaucanson sont toujours là. Stanislas de Vaucanson est un patron tout-puissant, gérant une usine de robots géants destinés à combattre les démons surgis des entrailles de la planète. Son neveu, Robert de Vaucanson, est plus modestement veilleur de nuit dans l’usine. Une planque jusqu’à la nuit où des malfaiteurs s’introduisent dans la société. Robert parvient à les faire fuir, mais pas à empêcher l’explosion d’une partie de l’usine. Mais la pire déception est d’apprendre que l’attaque avait été montée par Stanislas, pour arnaquer l’assurance et masquer ses faiblesses technologiques. Sans pitié et pour masquer ses méfaits, l’oncle fait alors emprisonner son neveu pour trente ans et fait disparaître le fils de ce dernier.
En prison, Robert se forge un caractère de guerriers à travers des combats clandestins. Avec une seule idée en tête: retrouver son enfant et se venger. L’intrusion surprise d’un robot géant va lui offrir l’opportunité de s’évader. Et de se transformer en Rubéus Khan, marchant ainsi, de nombreux siècle plus tard, dans le sillage du destin de son lointain ancêtre Herbert.
C’est un prolongement assez déroutant de leur univers foisonnant que proposent Sfar et Trondheim avec ce Rubéus Khan. Avec un aspect dur et sombre, sans la fantaisie qui allège les albums de Donjon. Ici, la première partie relève du récit de prison et la seconde d’un combat d’un père pour retrouver son fils, acceptant de devenir un champion de combats clandestins pour un boss de la mafia. Sans oublier un contexte et un sous-texte plus social, avec ces politiciens véreux ou ce système où les hommes se voient privés de leur boulot par des robots… dont ils sont, comme Robert, contraint, de surveiller l’usine qui les fabrique. Une distorsion qui est encore renforcée par le dessin de Vince, avec un Robert de Vaucanson à la tête lorgnant fortement vers le Donald de Disney, des personnages plus anthopomorphes et, globalement, une ambiance nettement plus musclée, voire “badass”.
Ceci dit, la dernière partie de l’album – qui n’est pas la fin de l’histoire – avec son combat épique contre les démons ramène vers l’ambiance plus habituelle, et paradoxalement, un brin plus délurée de la série. Et, au-delà de l’étrangeté première ressentie, Rubéus Khan est vite attachant, par le dynamisme insufflé à sa quête et par les seconds rôles qui parsèment l’histoire, comme l’ourse Mimi ou le finalement paternaliste “Don” de la mafia.
Et puis, décalant l’aspect sérieux, Vince s’amuse à multiplier les clins d’oeil graphiques. En plus de Donald, donc, on découvre Diabolo (l’acolyte de Satanas du dessin animé Hanna-Barbera) parmi les malfaiteurs du début ou un clone de Goldorak parmi les robots protégeant l’humanité des démons.
Bref, un nouveau ton pour une nouvelle époque. Et la confirmation que Donjon est toujours apte à évoluer et à se perpétuer.
Et, comme pour la plupart des albums récents de chez Delcourt, Rubéus Khan a aussi sa “réalité augmentée”. En l’occurence, ici, le storyboard de toutes les planches. Un “bonus” pas indispensable, mais incontestablement intéressant.


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