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La vérité d’Anaïs Nin émerge de la mer des mensonges

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 Anaïs Nin sur la mer des mensonges, Léonie Bischoff. Editions Casterman, 192 pages, 23,50 euros.

L’écrivaine américaine Anaïs Nin est connue pour ses oeuvres érotiques, pionnières pour une femme, et plus encore pour ses journaux intimes et secrets. C’est son “journal autenthique”, publié seulement après sa mort, qui relate et détaille notamment ses multiples rencontres amoureuses, qui inspire cet album de Léonie Bischoff.

Anaïs Nin se découvre ici au début des années 1930, se morfondant un peu dans sa vie d’épouse de banquier en banlieue parisienne, déplorant que son mari, Hughes Guiler ait abandonné ses ambitions littéraires. Pour sa part, elle poursuit sa rédaction d’un ouvrage sur D.H.Lawrence (tout en continuant à noircir secrètement son journal intime).

C’est par ce biais, pivot de ce roman graphique, que se fera sa rencontre avec l’écrivain Henry Miller, puis sa compagne Jude. Cette histoire d’amour passionnée va profondément bouleverser la vie d’Anaïs Nin, lui ouvrant de nouveaux horizons, littéraires et sensuels, mais aussi une perspective d’indépendance artistique et de libération féminine qu’elle assumera ensuite tout le restant de sa vie. Dans l’effervescence des sens, elle aura aussi une liaison avec son cousin (pourtant homosexuel), son psychanalyste Otto Rank et même furtivement avec son père, qui avait abandonné sa famille alors qu’elle n’était encore qu’une enfant.

Autant l’avouer, cet album fait partie de tous ceux auxquels j’étais passé à côté cette année – et il le serait resté sans sa présence parmi les 15 pré-sélectionnés pour le Grand prix de la critique ACBD 2021, puis sa sélection parmi la liste finale des 5 albums de l’année.

Autant l’avouer aussi, les émois et les amours plus ou moins sulfureux du personnage d’Anaïs Nin, tout comme l’évocation de ce petit monde mi-bourgeois mi-bohème de l’entre-deux guerres peuvent laisser froid. Surtout sur près de 200 pages.

En revanche, impossible de ne pas être touché par le travail graphique étonnant et de saluer l’intelligence de l’approche de Léonie Bischoff, remarquée auparavant pour son album Hoodoo Darlin’ et son portrait de sorcière vaudou dans un bayou de Louisiane ou pour ses adaptations de romans policiers de Camilla Läckberg.

La libération sexuelle et artistique d’Anaïs Nin est évoquée ici de manière subtile et imagée, loin de la succession d’ébats auxquels on aurait pu penser. Et même le passage le plus scabreux a priori, ce tabou suprême de l’inceste consenti, est abordé avec une délicatesse remarquable. Tous les personnages que l’écrivaine est amenée à rencontrer sont d’ailleurs dépeints avec une vraie humanité et une certaine bienveillance.

Fluide, la narration, est également remarquable – aux deux sens du terme – par la technique choisie: un crayon multicolore, qui apporte une colorisation surprenante, appuyant un trait simple et lumineux mais qui donne un charme certains à ses personnages.

Léonie Bischoff multiplie aussi les évocations florales ou maritimes, dévoilant son personnage principal tentant de tenir le cap au milieu de la gestion des mensonges qu’elle assume dans sa vie familiale et des vérités qu’elle cache dans son journal secret.

Pour ceux qui souhaiteraient découvrir une certaine vérité sur Anaïs Nin.

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