14/03/17
Le procès Rambour dans le vif du sujet
Dès le premier jour, les jurés ont été confrontés au calvaire qu’a subi Christophe Rambour entre 2011 et 2012. Et à celui que vivent encore ses parents.
Traditionnellement, un procès d’assises commence par l’examen de la personnalité des accusés. Autant dire que cette audience tentaculaire n’abordera vraiment les faits qu’au début de la semaine prochaine. La présidente Karas, de la voix neutre que lui impose la loi, lève pourtant un coin du voile qui recouvre l’horreur à laquelle seront confrontés les six jurés (trois hommes et trois femmes), lorsqu’elle résume la mise en accusation, mardi matin. Puis elle pose aux accusés cette question de confiance : « Reconnaissez-vous les faits ? » « Oui » répondent Nari, 35 ans, ronde et jolie jeune femme, encore, avec sa très sage queue de cheval ; Gilles, 33 ans, son ex-mari, cheveux courts, petite barbe ; Navin Bun, 30 ans, le petit frère au fin collier de barbe, l’air d’un intellectuel égaré dans cette cour derrière ses fines lunettes métalliques ; Coralie Sauval, 30 ans, blonde effacée, la seule à comparaître libre mais que par souci d’équité, Mme Karas a placée dans le box avec les détenus. «Non », objecte clairement Narin, le grand frère du clan Bun, principal accusé qui ne reconnaît que « la liquidation des preuves ».
JUGÉS « À TRAVERS UN BOCAL »
En quête de personnalités
LES FAITS
A Amiens sont jugées cinq personnes pour la mort de Christophe Rambour, 25 ans, début 2012 à Villers-Faucon.
Narin Bun, sa sœur Nari, leur frère Navin et Gilles Lefèvre (ex-mari de Nari) répondent de séquestration suivie de mort, actes de torture et de barbarie ; Coralie Sauval (ex-femme de Narin) de séquestration et non dénonciation de crime.
Le verdict est attendu le 27 mars.
L’enquête de personnalité joue un rôle crucial dans les procès d’assises. Ni psychiatres, ni psychologues, les conseillers d’insertion qui les réalisent sont chargés de retracer l’histoire d’un accusé. Ils en rendent compte avec des mots plus aisément compréhensibles des jurés que ceux d’experts parfois abscons.
En la matière, comme ailleurs, le pire côtoie le meilleur. Hier matin, l’Isarien chargé du dossier de Nari Bun a davantage brouillé l’image – déjà floue – de cette jeune femme qu’il ne l’a mise au point. Au terme d’un exposé brouillon, au moins convient-il de son échec : « Je me suis vraiment demandé à qui j’avais affaire. Qui est Mme Bun ? »
Le psychologue la voit en « dominante. Son mari Gilles Lefèvre est sous son emprise. Mais leur couple est lui-même sous l’emprise de son frère Narin ». Les deux amants qu’elle avait installés à demeure, à Longueau, sous le nez de son mari, sont convoqués comme témoins. Ils arrivent bien embêtés à la barre. Qu’ils se rassurent, on n’évoquera que pudiquement les jeux sado-masochistes auxquels ils se soumettaient volontiers sous l’autorité de « maîtresse » Nari. Maxime admet que les bleus sur son corps mettaient parfois quinze jours à disparaître mais « ça faisait partie du jeu même si ça partait assez loin. C’était d’un commun accord. On arrête où on veut ». Il est utile de rappeler que les assises se mêlent de droit, pas de morale…
« LA DESCENDANTE D’HITLER »
L’après-midi, l’enquêtrice de personnalité chargée de Navin, le petit frère, a rendu compte d’un travail exemplaire de rigueur et de clarté. Avec elle, on met ses pas dans ceux de la famille Bun, unie dans le chaos de la guerre civile cambodgienne, qui arrive en France en 82 avec deux enfants. Neuf autres suivront jusqu’en 1992, quand elle s’installe dans l’ancienne gare de Muille-Villette.
« Un drapeau cambodgien flotte sur la façade. La porte passée, on entre en immersion dans la culture cambodgienne et bouddhiste, avec des statues partout », retrace-t-elle. L’éducation est qualifiée de « stricte et militaire, ultra-autoritaire. Le père est mutique, la mère omniprésente ». Le voisinage les trouve « peu recommandables ». La cellule se referme. La mère elle-même parle de « clan ».
« Nous n’étions pas une famille normale, confie Navin. J’étais un enfant battu : gifles, coups de pied, de poing, mains liées. J’ai été enfermé dans un congélateur, j’ai passé trois jours sans manger ». Les parents sont accusés mais aussi les « faux jumeaux », Nari et Narin, capables selon lui de « sévices ». « Nari, c’est la descendante d’Hitler », résume-t-il (très) abruptement.
Elle avait prévenu cette lapidation dès le matin : « D’accord, je suis la mauvaise fille, la mauvaise mère, la mauvaise maîtresse. Limite la femme souillée parmi les puritains ».
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