Le cœur des Amazones Géraldine Bindi (scénario),Christian Rossi (dessin). Editions Casterman, 160 pages, 25 euros.
En pleine guerre de Troie, conflit légendaire de la mythologie grecque, une autre guerre moins connue se déroule. Celle opposant les soldats Grecs aux terribles Amazones. Sous l’autorité de leur jeune et belle reine Penthésilée, ces guerrières aussi terrifiantes que séduisantes, vivant en autarcie dans un environnement luxuriant et isolé, livrent une guerre sans pitié au sexe opposé.
Pour des raisons remontant à plusieurs générations, leur haine du genre masculin est d’une violence implacable. Elles se servent de leurs captifs comme esclaves sexuels sur l’autel de leurs plaisirs et dans un but de reproduction – lors de la fête des fleurs – avant de les exécuter. Dans la même veine, les enfants nés de sexe masculin sont aussi sacrifiés. Jusqu’au jour où l’une d’elles refuse que l’on fasse subir ce sort cruel à son bébé et que la reine Penthésilée tombe amoureuse du demi-dieu Achille. La guerre des sexes aura-t-elle lieu ?
Vous croyiez tout savoir sur la mythologie grecque ? Cette histoire va vous prouver le contraire. Si la guerre de Troie fait partie des récits épiques les plus connus, celle opposant les Amazones de la reine Penthésilée et l’armée grecque du roi Achille l’est beaucoup moins. Pourtant ce mythe figure dans l’Iliade d’Homère, adapté aujourd’hui dans ce très bel album.
Cette bande dessinée scénarisée par Géraldine Bindi, professeur de littérature et spécialiste de la mythologie grecque et dessinée par Christian Rossi (WEST, La gloire d’Héra) est conçue comme une fresque épique. Le travail de documentation remarquable de Géraldine Bindi qui a consacré son mémoire de maîtrise sur L’Iliade combiné au trait réaliste et à la palette de couleurs (entre ocre et sépia au style d’art hellenestique) de Christian Rossi réussissent à nous plonger dans cette aventure hors norme se déroulant dans l’Antiquité. Les femmes et des hommes, souvent représentés (demi)nus, ont des corps sculpturaux et athlétiques, comme des statues grecques. Les scènes de batailles mais aussi d’orgies – dont se dégage un érotisme puissant que ne renierait pas Manara, maître du genre dans le 9e art – sont restituées avec le même réalisme.
La vie n’est jamais loin de la mort et le sexe de la tragédie. Ces rapports antagonistes – haine, amour – entre les deux sexes résonnent étrangement avec l’époque actuelle où on assiste à la résurgence d’un féminisme militant. Ainsi cette scène lorsqu’une héroïne déclare à son captif masculin après un rapport sexuel intense et violent : « Une femme n’est pas une chose qu’on maltraite elle a un avis elle a une âme, ses propres envies. Compris ? »
Reste qu’au final cet album laisse un sentiment contrasté. Si on prend plaisir à découvrir cette histoire légendaire d’amazones guerrières loin des images d’Epinal sur ce sujet maintes fois fantasmé (notamment dans la littérature dite pour adultes), on a tendance parfois à se perdre dans la chronologie et confondre certains personnages. La faute à un récit beaucoup trop long qui aurait mérité d’être plus synthétique. Mais cela n’enlève rien à l’effort méritoire qu’ont fourni les auteurs pour redonner toute leur place dans l’Histoire à ces Amazones, fières, farouches et surtout très contemporaines.
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