C’est vendredi et je file droit vers le week-end, l’un des plus estimables de l’année puisque c’est celui de la fête des pères. Je ne la manquerai pas, même si ce soir, c’est foutu pour ce qui devait tenir d’amuse-bouche, l’affiche tant attendue, Espagne-Portugal.
Justement, sur mon chemin se trouve un petit bonhomme de quatre ans qui flotte dans son beau maillot de Ronaldo. Il pleure. Au bout de sa main, sa sœur, à peine plus vieille, joue les fiers-à-bras. Surtout ne pas craquer devant lui ! Leur maman s’est accroupie afin de leur parler à hauteur d’enfant. Elle n’a que quelques secondes pour leur expliquer que bientôt, ils vont croiser papa, menottes aux poignets, entre deux policiers ; papa qui avait été incarcéré la veille du premier anniversaire du petit, libéré trente mois plus tard, et qui ce soir a pris dix ans de réclusion, donc repart pour environ trois ans. Quand le gamin aura huit ans, il aura vu son père pendant 20 % de son existence.
Il pleure, mon petit Ronaldo. Le match de ce soir, c’est raté ; la fête des pères, c’est raté ; la fête de l’école, c’est raté. Tout est raté. Il n’y a pas que son maillot qui taille trop grand : il y a la salle des pas perdus, la bêtise des hommes, leur violence, leurs mensonges. Je ne sais pas qui a tué la victime. Je ne sais pas si ces trois-là méritaient la culpabilité de meurtre. Le vrai crime, ce soir, est ailleurs et ses stigmates ne sont pas de sang. Ce sont des larmes qui coulent sur un maillot rouge et vert frappé de l’Ordre du Christ…
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