Contes saumâtres, Yann & Co. Editions Dupuis, 52 pages, 14,50 euros.
Il était une fois « Humour libre », extrapolation éphémère de la prestigieuse collection Aire libre, chez Dupuis, où trouvèrent place cette série de « contes », voilà vingt ans.
On y retrouve une princesse aux concombres se languissant de trouver un prince jusqu’à ce que le « Prince Eric » ne vienne lui révéler enfin le secret de l’usage du légume, sur lequel s’était épuisé en vain les autres prétendants… On y découvre l’amour éternel et malheureux d’un inébranlable soldat « bleu » de la Guerre de sécession, insensible aux balles qui lui criblent la peau. On croise une sirène proscrite car elle n’avait pas de queue, un pauvre petit phoque moche, une gardienne de cochons à l’ombre plus que récalcitrante ou encore une femme fatale aux peintres parisiens au début du XXe siècle, bien décidée à faire son beurre pour sa grand-mère. Sans oublier une version tarantinesque et féminine de Barbe-Bleue. Et cet ouvrage offre aussi l’occasion de mieux connaître la vie de Charles Perrault ou d’Andersen.
Mieux que de simples parodies, ces histoires-là relèvent de l’exercice de style remixant joyeusement – et souvent avec finesse – les références picturales, littéraires ou cinématographiques. Barbe-Bleue est revisité façon Reservoir Dogs, le Petit Chaperon rouge s’impose auprès de Modigliani, Foujita ou Picasso, le petit soldat de plomb d’Andersen devient de chair (criblé de plomb) dans l’Ouest américain de la Guerre de sécession. Au plaisir pris par ce passage au mixeur des contes de notre enfance par l’humour narquois et sarcastique de « l’innomable » Yann s’ajoute un casting époustouflant.
Car dans le « & Co » qui illustre ces historiettes, on retrouve, au fil des pages, Juillard, Boucq, Wendling, Bodard, Clarke, Rossi, Dupuy et Berberian, Hermann et même Zep. Chacun apportant une part de son univers au récit.
Comme tous les bons contes, ceux-ci n’ont pas vieillis. Ils se dégustent avec plaisir et une forme de recueillement. Car, ainsi réunis dans un même album, sorti dans le cadre de l’anniversaire des 30 ans d’Aire libre, ces Contes saumâtres deviennent aussi un recueil de la fine fleur de la bande dessinée de ces années-là.
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