Canardo, tome 25: Un con en hiver, Benoît et Hugo Sokal (scénario), Pascal Regnauld (dessin). Editions Casterman, 48 pages, 11,50 euros.
Même pour ceux qui ne l’ont pas lu, Canardo est une figue familière du 9e art. Mine de rien, cela fait bientôt quarante ans qu’il traîne sa dégaine familière de détective privé fatigué, allant d’enquêtes en enquêtes et d’embrouilles en embrouilles. La dernière en date – relatée dans les deux albums précédents ce tome 25 – l’a conduit dans les geôles du Belgambourg, bouc émissaire de la grande duchesse après le carnage ayant eu lieu dans la petite principauté aux airs de paradis fiscal coincée entre France et Belgique.
Cette même grande duchesse (masquées sous une burka) vient pourtant faire libérer le détective, car elle a besoin de lui pour une nouvelle mission périlleuse et discrète: le père de la duchesse, le vieux duc Léon, un brin sénile, fait l’objet d’une demande de rançon de la part d’un commando de jihadistes islamistes, comme le révèle une vidéo transmise à sa fille. Flairant une embrouille, voire une arnaque, la Grande duchesse et Canardo se rendent incognito dans les Ardennes françaises, dans un des châteaux propriété de la famille où le vieux duc avait ses habitudes jadis. Il s’y trouve bien, entouré de « scouts » belliqueux et antipathiques, la « patrouille des dromadaires » qui semble bien avoir des buts plus sulfureux que de camper dans le jardin de la propriété. Notamment faire des vidéos mettant en scène le vieil aristocrate sénile. Les services secrets wallons entrant dans le jeu, l’issue va être particulièrement sanglante et explosive.
Dans le registre du polar animalier en bande dessinée, il y a maintenant Blacksad, bien sûr. Mais impossible d’oublier que Canardo avait ouvert la voie. Et que, bon gré mal gré, il tient toujours son rang. Dans un registre cynique, misanthrope et gouailleur, rehaussé joliment de dialogues et de bons mots à la Audiard (à l’image du clin d’oeil du titre de ce 25e album, paru en début d’année et lu avec un peu de retard…). Ce n’est pas toujours de très bon goût et parfois ambigu (comme la burqa sous laquelle se cache la duchesse, sans grande justification). Mais avant d’exploser et de défourailler au sens littéral par l’entremise de son héros, Benoît et Hugo dézinguent joyeusement aussi bien ici les paradis fiscaux que les aristos fin de race, les opportunistes naviguant dans les eaux du pouvoir ou les apprentis jihadistes. Un raccrochage à l’actualité traité de façon assez grinçante. Et même un brin effrayante. Tout cela donne un jeu de massacre pas franchement politiquement correct mais qui se lit avec plaisir, même sans trop saisir quel est l’objectif derrière tout cela. Ou, justement, parce qu’il n’y en a pas sans doute pas vraiment.
L’article Canardages à tout va avec Canardo est apparu en premier sur Courrier plus.