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Tiraillés par la mémoire de Thiaroye, quand la France massacrait ses soldats

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Morts par la France, Thiaroye 1944, Pat Perna (scénario), Nicolas Otero (dessin). Editions Les Arènes, 146 pages, 20 euros.

De l’importance d’une préposition. Par le simple glissement – presque imperceptible – du “pour” habituel au “par”, c’est toute une tragédie oubliée, et même masquée qui se révèle. Un massacre honteux, longtemps resté tabou et de nos jours encore en partie caché.

Ces “morts par la France”, ce sont des tirailleurs sénégalais sur le point d’être démobilisés au camp de Thiaroye, dans la banlieue de Dakar. Selon l’histoire officielle et la version de l’armée française, ce 1er décembre 1944, ces soldats se seraient rebellés. La troupe aurait été contrainte de faire feu. Bilan: 35 morts et autant de condamnés. Dossier clos. Et il le restera jusqu’à la fin des années 1990, avant que l’obstination d’une ex-assistante sociale devenue historienne ne mette en lumière une toute autre vérité.
Thésarde à l’université de Bretagne Ouest, Armelle Mabon prépare une thèse sur l’action sociale coloniale. Mais la découverte d’un poème de Senghor puis une rencontre avec le fils d’un tirailleur à Dakar va la faire bifurquer vers ce “crime d’Etat” qu’elle se refuse de voir laissé impuni. Il lui faudra près de vingt ans pour aboutir à démontrer une autre version de l’histoire. Celle d’un mensonge de l’armée qui a voulu masquer le massacre de plusieurs centaines de soldats, pour une question dérisoire de primes à verser.

Patrice Perna (connu notamment en matière de BD pour sa reprise du Joe Bar Team mais aussi, plus récemment par l’évocation du sulfureux Darnand) avait déjà évoqué ce massacre de Thiaroye dans la revue XXI l’an passé (son article complet est repris en fin d’album).
Il y revient ici à travers un récit parallèle, évocation à la fois du long travail réalisé par Armelle Mabon et restitution du déroulement des faits de 1944. Un double traitement bien maîtrisé, qui se lit comme une vraie enquête policière. Et non sans émotion, face à l’injustice manifeste dont ont été victimes ces soldats, spoliés de leurs droits et jusqu’à leur mémoire.
Et si le trait de Nicolas Otero apparaît au prime abord presque trop joli et léger, il donne une vraie personnalité à ses personnages. Une belle leçon d’histoire et de journalisme.

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