La résistance des sensibles, Michel Délié, Editions Lapin, 104 pages, 17 euros.
Victor est un jeune dessinateur de bandes dessinées en panne d’inspiration et en proie aux doute, vivant en colocation avec deux amis carrément déjantés. Un jour, il fait la rencontre fortuite d’un étrange personnage: Docteur H. Celui-ci lui propose une drôle de mission, réaliser un album illustré sur ses « pensionnaires », des inadaptés sociaux, comme il les appelle, afin qu’ils témoignent de leurs expériences professionnelles et leurs difficultés à affronter la vie réelle.
N’osant pas refuser et appâté par une rémunération alléchante, le jeune homme va se lancer dans l’aventure. Il va rencontrer successivement une galerie d’individus particulièrement bizarres et déroutants mais dont les histoires vont immanquablement l’attirer. Pour Victor, cette mission va progressivement se transformer en une exploration des limbes du cerveau quitte à s’y perdre lui-même.
La résistance des sensibles est le premier album « achevé » de Michel Délié, jeune dessinateur bordelais dont on ne connaît pas grand-chose excepté qu’il est « diplômé master class de l’Académie du rien en science de rêverie » et animateur d’un atelier de dessin imaginatif « Imaginactiv ». Mais cet auteur pourrait bien sortir de ce relatif anonymat grâce à cette bande dessinée intrigante constituant une bonne surprise de cette rentrée.
D’abord parce que son album, original et inclassable, oscillant entre surréalisme et fantastique, réussit à nous entraîner dans un voyage onirique et surprenant comme le héros emporté par les événements. On suit l’évolution de Victor rencontrant des personnages aussi extravagants et inquiétants les uns que les autres (on laissera au lecteur le soin de les découvrir, mais mention spéciale à la secrétaire d’une entreprise de jeux vidéo gore et l’employé de fast-food dénonçant un improbable trafic de chair humaine). On s’interroge alors avec Victor, qui ne peut rester insensible à ces témoignages sur la signification des rapports humains et de la normalité dans une société angoissante et brutale.
Ensuite parce que le graphisme épuré et élégant de Michel Délié colle parfaitement à l’histoire. Le noir et blanc stylisé et le découpage très linéaire alignant les cases en petit format accentuent la tension du récit. On appréciera les œuvres picturales surréalistes de Michel Délié à la fin de l’album que Dali n’aurait pas renié.
Enfin parce que Résistance des sensibles se rapproche par son graphisme et son art narratif de certains auteurs américains indépendants (on pense notamment à Daniel Clowes ou Chester Brown), mais aussi de la littérature et du cinéma comme Shutter Island, pour l’aspect thriller psychologique, ou Vol au dessus d’un nid de coucou, pour le versant sociétal. La chute paroxystique – avec une scène enthousiasmante et délirante dans une galerie d’art- devrait en déconcerter plus d’un !
Bref avec cet album, vous êtes sûr de vous offrir un voyage au pays des rêves et de la folie dont vous ne sortirez pas indemne !
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