Kaboul et autres souvenirs de la Troisième Guerre mondiale, Michaël Moorcock, illustrations Miles Hyman, éd. Denoël Graphic, 224 p., 23 €.
Attention, il ne s’agit pas ici d’un album de bande dessinée mais d’un livre de nouvelles illustré – ou plus exactement même d’une quinzaine de dessins qui viennent ponctuer six nouvelles qui s’enchassent et qui relatent les souvenirs de l’espion russe Tom Dubrowski dans un univers alternatif très proche du nôtre. Où un présent désenchanté et cynique bascule progressivement, et pour des raisons obscures, dans un futur dominé par un conflit généralisé et balkanisé.
Connu pour ses ouvrages de fantasy et de science-fiction (dont l’illustre Elric le Nécromancien), Michaël Moorcock livre ici une assez étonnante vision du futur. Étrange, car les trois premières des six nouvelles qui composent cet ouvrage sont loin du récit post-apocalyptique d’anticipation attendu. Dans une ambiance à la John le Carré, on y suit les déplacements et les divagations d’un espion russe déguisé en antiquaire, vivant en esthète entre Rome, Londres et ses multiples conquêtes féminines.
Le basculement dans ce conflit mondial aux alliances mouvantes et improbables ne se fait que dans la quatrième nouvelle, passant cette fois du côté de Cavalerie rouge, le récit d’Isaac Babel, dans les ruines de Kaboul, avant se poursuivre au Vietnam, avant un retour crépusculaire en Ukraine.
Si le travail de Miles Hyman peut sembler ici accessoire, il s’avère en fait très judicieusement réalisé et opportun pour donner le ton et le climax au livre. A l’image de cette couverture angoissante. Des dessins colorés, mais assombris, figés, apportant une solennité froide au récit. Et, au final, ce sont elles qui marquent le plus et s’imposent quand on songe à ces souvenirs du futur.