Darnand, le bourreau français, tome 1 (sur 2), Patrice Perna (scénario), Fabien Bedouel (dessin). Editions Rue de Sèvres, 62 pages, 15 euros.
Secrétaire général de la Milice dans la France de Pétain, Joseph Darnand est une figure majeure et jusqu’au-boutiste de la collaboration avec l’Allemagne nazie, on doit à ses troupes une bonne partie des exactions commises à l’encontre des Résistants. Arrêté et jugé à la libération, il sera fusillé le 10 octobre 1945. Fin de partie.
Mais avant d’être ce « bourreau français », Joseph Darnand était un soldat d’élite. On le découvre en juillet 1918, chef d’un corps franc, dans les tranchées de Champagne, avec son ami Ange Servaz, tireur d’élite, qu’il sauvera en le ramenant sur son dos du no man’s land.
On le retrouve ensuite, après une ellipse de vingt ans, en juillet 1938, alors qu’il cherche à recruter son ami Ange dans les tentatives de putsch anti-républicains de la Cagoule. Ce dernier se laisse convaincre, mais une dénonciation va les envoyer séparément en prison. Le destin va encore les faire se croiser, au début de la « drôle de guerre », incorporés ensemble au 24e bataillon de chasseurs alpins, à Morsbach, en Alsace. Au cours d’une escarmouche, il réussit un nouvel exploit, en ramenant, seul, un de ses hommes tombé au combat. Entré dans l’histoire, cette fois, ce fait d’armes lui vaut la Légion d’honneur et même la « une » de Paris Match.
Séparés par la débâcle de juin 1940, Darnand est fait prisonnier par les Allemands et enfermés au camp de Pithiviers… d’où Ange parvient à le faire évader. Avant de se quitter de nouveau. Leur nouvelle rencontre sera plus singulière, en juin 1943, quand Servaz, parachuté par la Résistance en France est arrêté et torturé par la Milice…
Darnand ? Le salaud par excellence. C’est du moins ainsi qu’il est resté dans les mémoires, après la Seconde Guerre mondiale. C’est ce sombre personnage que Patrice Perna (à qui l’on doit déjà la saga l’Or et le sang et le portrait de Kersten, le médecin d’Himmler) fait revivre ici, à travers un récit romancé mais très documenté.
Il est toujours difficile de restituer un tel personnage criminel, foncièrement antipathique et incarnant le mal absolu (ou pas loin). Et sa présence au catalogue de Rue de Sèvres surprend un peu.
Dans cette première partie, portant sur « l’avant-collaboration », porté par le dessin réaliste et un peu hiératique de Fabrice Bedouel (déjà à l’oeuvre sur L’Or et le sang et Kersten) les idées réactionnaires et fascisantes de Darnand affleurent déjà clairement, contrebalancées par ses actes militaires héroïques. Et le personnage d’Ange Servaz apparaît comme une sorte d’alter ego incarnant une face plus lumineuse de cette sombre période.
Elliptique, le récit brosse donc plutôt bien, par petites touches, le portrait du futur « bourreau français ». Quand une certaine idée de la France s’est alignée sur l’abjection la plus profonde. Un aspect – plus sulfureux encore à retranscrire – qui se découvrira donc dans la seconde partie de ce diptyque. Et qui permettra de juger véritablement de la valeur de cette biographie.
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