La petite Bédéthèque des Savoirs, tome 13: Les situationnistes. La révolution de la vie quotidienne (1957 – 1972), Christophe Bourseiller (textes), Jake Raynal (dessin). Editions Le Lombard, 72 pages, 13 euros.
A la différence des autres « -ismes » du XXe siècle (du fascisme au marxisme), le situationnisme a conservé une aura intacte jusqu’à nos jours. Voire, a même vu grandir son statut. Mieux encore, dans une époque désidéologisée comme la nôtre, cette idéologie critique de la société du spectacle s’avère sans doute toujours pertinente. Mais, Comme le surréalisme dont il a prolongé, au départ, une démarche artistique parallèle, les situationnistes sont mis à toutes les sauces.
D’ou l’intérêt de cet opus de la Petite bédéthèque des savoirs (publié voilà déjà deux ans, mais lu tardivement), qui a fait appel à un bon connaisseur du sujet, le journaliste Christophe Bourseiller, spécialiste de l’extrême-gauche et biographe de Guy Debord, la figure marquante du mouvement.
Comme à son habitude, mais plus encore peut-être ici, la préface de David Vandermeulen se montre particulièrement éclairante, pour présenter et mettre en perspective le situationnisme et sa place dans la deuxième partie du XXe siècle.
Petit groupe né de l’Internationale lettriste d’Isidore Idrou, cette bande d’artistes (peintres pour beaucoup, écrivains pour les autres) vont s’émanciper du côté ironique des Lettristes pour aller vers un positionnement plus critique, puis politiquement engagé dans l’ultra-gauche, avec l’apport notamment du Belge Raoul Vaneigem.
Auto-dissous en 1972, le mouvement va paradoxalement se poursuivre à travers son fondateur Guy Debord, puis être repris par les punks ou la New Wave avant que Debord ne devienne une figure intellectuelle et éditoriale marquante jusqu’à son suicide, en 1994.
Après ce panorama rapide, Christophe Bourseiller s’attache à décrire chronologiquement l’évolution du situationnisme, ses personnages marquants, ses actions les plus spectaculaires, sans omettre les multiples exclusions qui vont ponctuer son histoire, aboutissant, en1972, à la caricature d’un mouvement ne comptant plus que… deux membres lors de son auto-dissolution (mais l’internationale situationniste n’a jamais eu beaucoup plus qu’une quinzaine d’adhérents). Paradoxe ou pirouette d’une idéologie critique qui a eu et conserve une importance dans l’histoire des idées qui n’a rien à voir avec son importance militante réelle.
Pour un mouvement qui a beaucoup rédigé de textes, qui a subverti les arts populaires (ciné, roman-photo) pour y dévoiler l’idéologie capitaliste, l’illustration en bande dessinée n’était pas forcément évidente. D’autant plus que le texte de Christophe Bourseiller est également conséquent. De fait, le travail de Jake Raynal relève plus ici de la stricte illustration des propos (et encore, quand il y a la place). Néanmoins le parti-pris graphique de sobriété, en bichromie noire et rouge, colle bien, à la fois à l’époque et au propos du livre.
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