
Une cour d’assises, c’est un bloc de dissection de l’âme humaine. Tout s’y répand, le bon comme – plus souvent – le moins ragoûtant. En matière de mœurs, c’est encore pire. Accusé comme victimes sont priés d’étaler leur intimité, ces messages qui habituellement n’appartiennent qu’à eux et aux partenaires qu’ils ont choisis.
Si Émilie est si fragile, c’est que nulle autre n’a autant dérouillé qu’elle pendant l’enquête puis l’audience. Le coach d’équitation – qui admet avoir
assouvi de gros besoins sexuels mais nie les viols – a gardé des supporters. Ces derniers ont joyeusement glosé sur les « tenues affriolantes » d’Émilie, le nombre de ses copains (qui serait exponentiel), ses mœurs légères. « Elle a sucé Thierry avec moi, on était d’accord, puis elle s’est mise à plat ventre sur un escabeau pour qu’il la pénètre, atteste Lauriane. Moi, j’étais en couple avec Jennifer. Un soir, Émilie m’a même proposé qu’on fasse un plan à quatre avec son copain. »
Jennifer lui succède à la barre : « Émilie m’a même dit qu’elle avait pour but de faire du porno. » La défense produit des photos imprudemment publiées sur les réseaux sociaux. On craint le pire. En fait, on découvre une mini-jupe, un décolleté plongeant. C’est plus proche de Modes et Travaux que de Playboy…
Six jours plus tard, ce n’est pas un hasard si l’avocat général Florent Boura consacre une bonne partie de ses réquisitions au cas d’Émilie : «Est-ce que j’ai besoin, en France, en 2019, de rappeler que ce n’est pas parce qu’une jeune fille porte une mini-jupe qu’elle est prête à coucher avec tout le monde ? Et quand bien même – ce qui n’est pas prouvé – elle aurait été aguicheuse, collectionneuse d’hommes, tentée par un plan à quatre, est ce que ça l’empêche d’avoir été violée, au nom du «Elle l’a bien cherché » ? »
Excellentes questions, à laquelle les jurés, sagement, répondent non. L’homme est condamné. Émilie ressort du tribunal en tant que victime. Non, elle ne l’a pas cherché.
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