
À quoi sert une chronique ? À raconter sa vie, aurais-je tendance à répondre. «Mais tout le monde s’en fiche, de ta vie, Phil!» me répondit un jour, avec énergie et panache, une des dames de mon petit cœur plus plein de larmes qu’un roman d’Henri Calet. Elle avait sûrement raison. Tant pis! Allons-y. Ce samedi-là, il faisait aussi beau que dans un récit d’André Fraigneau (mais qui se souvient d’André Fraigneau, styliste délicat, très moyennement patriote en cas d’invasion barbare, admirateur de blonds éphèbes et de la Rome antique; ami de Cocteau?). Je pris le train sous un soleil citronné. J’étais seul; j’étais bien, l’âme légère. Un autocar nous attendait, nous les écrivains, place Dauphine, pour nous emmener au Salon de la biographie et du roman historique de Chaville, dans les Hauts-de-Seine, près de Paris.

Après quelques petits fours et coupes de prosecco (consommés en compagnie des fort mignonnes Laurence Brisset et Maryline Martin, et du sympathique Gilles Paris, tous auteurs du Rocher), je m’installai à ma table, observai, de loin, Michel Drucker qui signait ses livres comme un forcené, saluai Jean-François Kahn, Bernard Pascuito, Jean Tulard (du prix des Hussards), embrassai avec un plaisir non dissimulé les joues blondes d’Annie Degroote, remerciai Jean-Paul Bled (pour avoir défendu nos amis les Serbes, si francophiles, et pour avoir eu une mère – Odette – et un père – Édouard – qui ont su inventer l’un des meilleurs manuels de l’Éducation nationale, le fameux Bled), papotai avec Denis Demonpion, spécialiste de Michel Houellebecq (et lui dis toute mon admiration sur le créateur des Particules élémentaires, mais m’assombrit grave quand il me demanda, moi l’Amiénois, ce que je pensais d’Emmanuel Macron; je pensais très fort: «S’il n’avait pas existé, il n’aurait pas fallu l’inventer…» mais, me retins), sympathisai avec Dominique Lormier, historien bordelais (dont la mère a été responsable du Secours populaire local et qui connaît très bien la Résistance, notamment celle du Parti communiste), et discutai longuement avec le cinéaste et romancier Raphaël Delpard (qui me fit savoir qu’il avait quitté Paris pour devenir picard: il réside près de Poix-de-Picardie). Exténué, je repris l’autocar, caressai à nouveau du regard la place Dauphine qui, en cette belle soirée, avait très bonne mine.

Retour à Amiens. Sommeil du juste. Dimanche soir, il me fallait oublier le brouhaha du salon. Rien de tel qu’un film muet: Paris qui dort, de René Clair, projeté au Gaumont, dans le cadre des Journées européennes du patrimoine. Ma grande amie Milou m’avait invité à l’accompagner. Un très bon moment. Voilà, lectrice, tu sais tout de ma vie. La dame de mon ancien cœur (on change toutes les secondes), ou l’ancienne dame de mon cœur (au choix) dira encore qu’on n’en a rien à battre. Elle a certainement raison.


Dimanche 29 septembre 2019.
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