
La dernière chronique de cette année 2019, sera consacrée à un livre. Un petit livre (40 pages), œuvre de l’ami François Jonquères, écrivain, secrétaire général du Prix des Hussard, hommage à l’un de nos écrivains préférés (Michel Déon), tiré à trois cents exemplaires hors commerce, numéroté de 1 à 300. (Celui que m’a envoyé François porte le numéro 46.) Le texte original de l’opus n’est autre que le soixantième titre de la collection Duetto animée par Dominique Guiou, paru sous forme numérique (WWW.nouvelleslectures.fr) «L’un de nos écrivains préférés», écrivais-je à l’instant. Il serait plus exact, en ce qui concerne François Jonquères, de préciser «son» écrivain préféré. «En mes jeunes années, je me suis pris de passion, le mot n’est pas trop fort, pour l’œuvre de Michel Déon. D’une certaine façon, l’auteur des Poneys sauvages aura été mon père spirituel», écrit-il en quatrième de couverture de cet adorable objet bleu nuit, couleur des reflets, grains de mica, qui illuminent les yeux verts de Charlotte Rampling. Il tient parole; le présent essai n’est rien d’autre qu’un cri d’admiration pour le très grand écrivain qui nous a quittés le 28 décembre 2016, à Galway, en Irlande. C’est mérité. On ne louera jamais assez la richesse, la délicate puissance, la subtilité douce et tonique de l’œuvre de Michel Déon. François Jonquères l’évoque non seulement avec passion et lyrisme, mais avec justesse. Les Poneys sauvages – certainement son meilleur roman – traverse les pages, on s’en doute. «Ah! Les Poneys… Voilà de la belle ouvrage, de l’œuvre aboutie, ciselée!», écrit François Jonquères. «Vous y énonciez une froide vérité qui, jour après jour, s’impose toujours plus aux derniers hommes libres: «Nous allons vers un monde où il y aura de moins en moins de poneys sauvages.»…»

Passent également nos chers Hussards, Antoine Blondin, Jacques Laurent, Roger Nimier et Kléber Haedens («le frère qui lui manque»). Leurs livres nous ont marqués; nous leur devons tant. Ne furent-ils pas, au sortir de la Deuxième guerre mondiale, l’antidote au Nouveau Roman, ce courant prétentieux, abscons qui ne rêvait qu’à une chose: tuer le roman et ses héros nécessaires. Jonquères insiste sur le rôle des îles dans la vie et dans la littérature de Déon. Celles, grecques, de Skyros, puis de Spetsai, l’Irlande et quelques autres. Ce fut justement sur une île, celle de Ré, au milieu des années 1980, que je découvris Michel Déon en lisant Les Poneys sauvages. Coup de foudre; passion immédiate. Cette façon d’être au monde; cette gaîté piquetée d’éclats de mélancolie acidulée, sans oublier le côté plus ambitieux de fresque d’une époque. Et comment oublier l’élégance et l’ouverture d’esprit de cet homme délicieux, attentif aux autres, bien plus humaniste, au fond, lui, le monarchiste revendiqué (il fut secrétaire de Maurras) que certains écrivains égocentriques de la gauche bien-pensante et molle du genou? Au cœur de cet hiver humide et cruel, ce petit livre m’a fait l’effet d’un rayon de soleil. Michel Déon nous manque. Merci, cher François Jonquères, d’avoir su si bien nous le rappeler.
Dimanche 29 décembre 2019.
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