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Du côté de chez Pierre, de la France et du rock

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Pierre de Chocqueuse.

En compagnie de mon adorable petite amie, j’ai passé l’avant-dernier jour de l’année, boulevard Beaumarchais, à Paris, chez Bénédicte et Pierre de Chocqueuse. Ancien rédacteur en chef du mensuel Jazz Hot, collaborateur de Jazzman, puis de Jazz Magazine, secrétaire général de l’Académie de Jazz, il fut, à la fin des années 1970-80, pigiste à la revue Best, chargé du jazz, du jazz-rock et du rock progressif. Cela faisait une quarantaine d’années que je n’avais pas revu Pierre, mais je me souvenais parfaitement de lui. Il fut l’un des journalistes qui – avec les regrettés Christian Lebrun, rédacteur en chef, et Stéphane Heurtaux, maquettiste (qui, un matin de début mai 1977 m’ouvrirent la porte de la rédaction de Best, située au 6e étage du 23 de la rue d’Antin, dans le IIe arrondissement) – me témoignèrent à moi, le minuscule Ternois, l’accueil le plus chaleureux, le plus fraternel. Je ne l’oublierai jamais. (À ce propos, je n’ai pas manqué d’évoquer Pierre dans mon premier et très autobiographique premier roman, Rock d’Issy, réédité et augmenté d’un court récit – Féline – un peu plus tard chez Mille et Une Nuits, sous le titre de Tendre Rock, titre que m’avait soufflé dans un taxi l’ami Éric Neuhoff en me disant que ça sonnait terriblement Morand.) J’ai retrouvé la trace de Pierre grâce à ma petite fiancée qui est amie avec lui depuis de nombreuses années, à la faveur d’un voisinage situé du côté de la rue de l’Abbé-Grégoire, et de leurs enfants qui fréquentaient la même école. Faut-il préciser qu’autour d’un délicieux dîner concocté par l’adorable Bénédicte, nous avons remonté le temps? Best. Nous étions jeunes, libres; nous n’avions pas peur de grand-chose. Nous dévorions la musique comme un plat rare et épicé. Lui, le jazz, le jazz-rock, le rock progressif; moi, le blues, le rock’n’roll et le punk qui arrivait tel un tsunami dans un Paris printanier. Tout en versant dans mon verre un succulent mâcon blanc, il m’apprit une bien mauvaise nouvelle: le décès, quinze ans plus tôt, de Stéphane Heurtaux. Stéphane n’était pas seulement le créatif maquettiste de Best, fou de reggae et de la Jamaïque (ses deux séjours réalisés aux côtés du critique rock Francis Dordor valent leur pesant de ganja!); il était aussi le petit-fils d’Alfred Heurtaux, as de l’aviation au cours de la Première guerre mondiale (c’est lui qui abattit, le 25 novembre 1916, au-dessus de Villers-Carbonnel, l’aviateur allemand Kurt Wintgens), patriote exemplaire, résistant courageux, déporté à Buchenwald, compagnon de la Libération. Lui-même issu d’une très vieille famille française – son ancêtre, Jean Le Caron, receveur des aydes de la ville d’Amiens et échevin, fut désigné, en 1501, maître de la confrérie Notre-Dame-du-Puy, célèbre dans la capitale picarde–, Pierre me rappela cela. Mais, en 1977, Stéphane et moi, nous ne parlions pas du courage de son grand-père, éblouis que nous étions par les lumières de l’époque, abasourdis par Peter Tosh, Bob Marley, Sex Pistols et les Damned. Nous avions à peine 30 ans. À 21 ans, Alfred Heurtaux, lui, obtenait sa première citation après avoir été blessé d’un coup de lance par un uhlan allemand. Il avait 21 ans.

                                                      Dimanche 5 janvier 2020.

 

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