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 Jours tranquilles à Saint-Denis

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Un jeune homme et sa compagne emménagent à Saint-Denis. Dans son journal, il décrit ce qu’il voit. Un premier roman tendre et réussi signé Paul Besson.

Né en 1987, Paul Besson a effectué de nombreux petits boulots après ses études de philosophie. Il sort aujourd’hui son premier roman.

Henry Miller a écrit Jours tranquilles à Clichy; Paul Besson eût pu intituler son roman Jours tranquilles à Saint-Denis. Il a opté pour Paris-Saint-Denis qui n’est pas mal non plus. Que nous raconte-t-il dans cet ouvrage?

«Le ton est neutre, comme celui d’un journal ou d’un reportage. On se laisse prendre;on le suit pas à pas.»

Il évoque les pérégrinations de Paul, son double, qui vient de terminer ses études de philosophie, mais ce qui l’intéresse, au fond, c’est la musique et le théâtre. (Il écrit des chansons et tente de terminer un roman.) Pour survivre, il passe d’un petit boulot à une autre, vend du vin ou de la bière, à la faveur d’animations, dans des supermarchés: «En plein milieu de ce mois de ramadan, je fus convié à faire la promotion de plusieurs bières aux noms charmants: La Levrette, la Quéquette, et la Fessée, au Leclerc de Saint-Ouen.»

Il cherche un appartement pour vivre en compagnie de sa copine Carine. Il aimerait bien habiter à Paris, mais c’est bien trop cher. Alors, ils procèdent à des visites en banlieue et finissent par trouver un logement à Saint-Denis. En novembre 2016, alors qu’il est en train de déjeuner avec son père dans une brasserie, celui-ci lui lance: «Tu devrais écrire un journal. Un journal sur ton bonheur à Saint-Denis.» Est-il nécessaire de préciser que Paul se mettra à l’ouvrage et écrira son Paris-Saint-Denis?

Pari réussi. Paul Besson porte un regard à la fois étonné et amusé sur ses déambulations dans cette ville. Le ton est neutre, comme celui d’un journal ou d’un reportage. On se laisse prendre; on le suit pas à pas. Là, il explique comment et pourquoi les Dyonisiens aiment leur cité. «Je les comprends, je l’ai aimée dès les premiers jours», note-t-il, page 32. Un peu plus loin, il observe les pauvres et les clients des grandes surfaces, et surtout, leurs achats qui défilent sur le tapis roulant de la caisse: «Trois bouteilles de soda, six boîtes de thon et du pain de mie blanc, souvent quelques canettes de bière forte en plus. Le tout en hard discount, parce que c’est moins cher. Ce qu’on met dans la gueule des pauvres.» Joli petit coup pied dans cette déguelasserie indéfendable qu’est le capitalisme…

De drôles d’oiseaux

Il rencontre aussi de drôles d’oiseaux: «J’ai sympathisé avec un grand bonhomme au visage abîmé. Il était costaud mais semblait souffrir. En fait, il attendait que son dealer revienne. C’était un fumeur de crack.» De drôles d’oiseaux, oui; cependant, aucun ne se révèle menaçant à son endroit. «(…) je pense que les deux avaient reconnu que je n’étais pas une menace pour eux. Dans les jeux vidéo, on parle de PNJ (personnages non jouables).» Il y a aussi ce coiffeur surprenant et magnifique surnommé l’Artiste: «(…) un art porté à son firmament. Ce jeune homme de vingt-cinq ans m’a coupé les cheveux avec une telle dextérité et une telle grâce que j’en suis resté estomaqué. Il a répété ces gestes toute sa vie, et a atteint la perfection, à la manière d’un karatéka, répétant inlassablement le même tsuki. J’ai vu un Maître à l’œuvre. Je suis sorti du salon galvanisé, plein d’énergie, dansant presque dans la rue.»

Ce livre séduit aussi par son côté tendre, notamment quand, vers la fin du récit, il lâche, mine de rien, à propos de son couple: «On s’aime je crois.» C’est mignon, adorable. Sans pose; tout en fraîcheur, en sincérité et en innocence. Bien plus romantique de ce vieux brigand de Miller dans Jours tranquilles à Clichy. C’est aussi pour ça qu’on tombe sous le charme de ce petit livre. PHILIPPE LACOCHE

 

Paris-Saint-Denis, Paul Besson; JC Lattès; 173 p.; 18€.

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