La guerre des Lulus, La perspective Luigi, t.1, Régis Hautière, Damien Cuvillier. Editions Casterman, 64 pages. 13, 95 €.
Les « Lulus » ont survécu à la Grande Guerre, mais ils n’en ont pas encore fini avec elle. Une parenthèse de neuf mois restait obscure dans l’aventure de ces quatre orphelins picards, bientôt rejoints par une jeune fille belge Luce, abandonnés en zone occupée, survivant dans la forêt axonaise, se cachant un temps au Familistère de Guise, puis qu’on retrouva en Belgique et dans les Ardennes, jusqu’à l’Armistice qui les laissa séparés.
Objet d’une grande ellipse, entre les tomes 3 et 4, c’est cette parenthèse entre le printemps 1916 (lorsqu’ils s’enfuirent du Familistère dans un train censé aller en Suisse et qui les laissa à Berlin) et le début 1917 (où on les retrouva en Belgique) qui est développée dans cette Perspective Luigi, dont le tome 1 vient de paraître.
Débarqués donc à Berlin, les Lulus mettent un certain temps à comprendre ce qui leur arrive. Heureusement, pris pour des Suisses Allemands, ils vont parvenir à se faire adopter par une bande de gamins des rues, qui squattent une vaste bâtisse dans la capitale allemande. Avec eux, Ludwig, Lucien, Lucas et Luigi vont vivre des péripéties rocambolesques, et tragiques lorsqu’ils finissent par se faire arrêter.
C’est cette fois Luigi qui raconte ces péripéties, vingt ans plus tard, interrogé par un journaliste venu spécialement le rencontrer à Amiens.
Cette double temporalité donne le rythme, et un autre rythme au récit. Très dynamique, voire parfois burlesque dans la partie berlinoise de 1916, l’histoire prend une tonalité plus mélancolique lors des dialogues amiénois, en 1936.
Une différence inscrite aussi à travers le traitement graphique, en lavis plus sépia pour la partie « actuelle » (des années 1930) et en couleurs plus vives, similaires au récit principal pour l’épisode berlinois.
Ce nouveau rebond imaginé par Régis Hautière s’insère en tout cas très bien dans la trame générale. Au point même que le changement de dessinateur, avec l’arrivée pour ce diptyque, d’un autre Amiénois, Damien Cuvillier pourra passer inaperçu à certains. L’auteur de La Guerre secrète de l’espace apporte bien sur sa patte sur le récit, avec un style mêlant réalisme et précision des décors et légère caricature pour les personnages.
Des personnages, notamment les « Lulus », en tout cas égaux à eux-mêmes et que l’on retrouve avec un grand plaisir. Plaisir redoublé par l’intérêt d’aborder la Grande Guerre dans une perspective justement assez originale, c’est-à-dire vue du côté allemand.
Et on n’a pas fini d’entendre parler des « Lulus », puisque Régis Hautière et Hardoc ont décidé de continuer à raconter « l’après-guerre des Lulus ». Pour l’instant, écoutons déjà Luigi.
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